Autour des sculptures d'Etienne, par Laurence Pythoud

L'image en soi déploie tout un monde, celui de l'artiste bien sûr, mais aussi une histoire, que chacune d'entre elles déroule, multiple et inattendue, dans une dimension à la fois narrative et symbolique, généreuse et essentielle.

Etienne a toujours privilégié douceur et tendresse dans sa sculpture, et aujourd'hui, plus manifestement encore, elles lui donnent son mouvement, sa destination. Jouant en même temps sur le sens et son abstraction, la figure et la forme, Etienne dit et n'exclue rien.

Comment dans La Berceuse ne pas voir tour à tour protection, amour, inquiétude ou bonheur sur le visage de cette mère et dans la courbe de son épaule, qui continue son âme, jusqu'à sa métaphore: le berceau, abri originel et ultime de l'enfant ? Et pourtant, en tournant ainsi autour de l'œuf, figure parfaite, on situe l'harmonie tout à coup dans la pure forme.

Le Baiser, c'est aussi une main sur le genou. Dans un film, on aurait deux plans: des lèvres qui s'embrassent et, en ponctuation, la caresse esquissée, le désir exprimé. L'œil du spectateur allant de l'un à l'autre, ému par ce chemin même, guidé par les éclairages de l'artiste, comme par les mots d'un poème. Miroirs à l'infini, masques donc, et loups, à travers lesquels se reconnaissent ensemble le sculpteur et le contemplateur en un jeu d'expressions changeant.

Chez Etienne, le poète n'est jamais loin de l'artiste. Dans Peinture-Sculpture, rien ne manque de leur univers commun: ni la métaphore, ni la colombe libre. Tout a le pouvoir de s'échapper, qui laisse la place à l'imaginaire et au virtuel. La matière, comme pour s'excuser d'être indispensable, se veut lisse, ondoyante et douce; féminine, elle qui s'impose. Unissant les genres complémentaires, comme les sculptures d'Etienne réunissent homme et femme en un tout retrouvé, indissociable alors et serein. Les corps ici se sont libérés de la pesanteur; ils évoluent - au sens physique et au sens existentiel; ils planent, retenus par leurs fines racines nécessaires, et se métamorphosent, légers, refusant la finitude, en leur possible,en l'autre révélé.

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