La Conquête de l'espace, par Isabelle Pirot

Toute œuvre véritable naît d’une vision. Un matériau la réalise.

Chez Etienne, l’œuvre ne réside pas simplement dans le bois, la pierre, le bronze, elle s’accomplit dans l’espace découpé. Dieu sait qu’il use de ce droit d’évoquer !

Mais qui se plaindrait en contemplant son travail qu’il manque ici un pied, un sein, une tête ? Devant sa sculpture, l’imaginaire de chacun est requis, convoqué avec une telle force qu’un pied de plus serait de trop, il y a le compte, merci !

L’artiste est si confiant en l’Invisible qu’il s’appuie sur l’air pour faire naître son objet. Quelle audace ! Pourtant, en se confiant au vide, est-ce qu’il risque la chute ?

Non, car il n’y a pas de vide. C’est comme si l’œuvre existait déjà quelque part, cachée à nos yeux et que ses mains nous la découvraient peu à peu, se gardant de la révéler tout entière. Ici, suggérer procède à la fois d’une science et d’une foi. Quelque essentiel que soit le sujet, on n’en dit rien si l’on en dit trop.

Ces noces toujours renouvelées de l’air et de la matière nous convainquent que sa sculpture n’est pas un meuble qui prend place dans une demeure, sur un parvis, au milieu d’une fontaine, mais une conquête de l’espace et à ce titre une invitation à s’élever, une proposition pour le regard à percevoir au-delà du regard.

Émergeant d’une autre dimension au bord de laquelle elle se tient, l’œuvre permet au cœur de celui qui regarde d’aller son chemin hors de vue.

Est-ce que ce qui ne se voit pas n’existe pas ? semble-t-elle dire.

L’œuvre d’Etienne s’impose justement parce qu’elle unit avec la matière ces forces qui nous gouvernent mystérieusement ; parce qu’elle marie le visible et l’invisible dans une harmonie – au fond bien naturelle– qui retient le passant de passer.


Space conquest, by Isabelle Pirot

Every true work of art is born of a vision. A material fulfills it.

Etienne’s works do not merely reside in wood, stone or bronze; they are completed in the cut-out spaces. God knows how freely he uses this right to evoke!

But when looking at his works, who would complain about a foot missing here, or a breast, or a head? Confronted with his sculptures, everyone’s imagination is called upon, summoned with such force that an extra foot would be one too many. Everything is there, thank you!

The artist places so much trust in invisibility that he relies on air to bring his subject to life. What audacity! Yet, placing his trust in empty spaces, does he not risk falling? No, because there are no empty spaces. It is as if the work already existed somewhere, hidden from our eyes, and his hands uncovered it gradually for us, careful not to reveal it entirely. Here, suggestion proceeds both from a science and a faith. No matter how essential the subject, nothing is said about it if too much is said about it. The ever-renewed marriage of air and matter convinces us that his sculptures are not pieces of furniture to be placed in a residence, in front of a church or in the middle of a fountain, but a conquest of space and, as such, an invitation to ascend, a suggestion that one’s gaze go beyond that gaze.

Emerging from another dimension on the edge of which they stand, his works allow the heart of the observer to go on its way out of sight.

“Does what is not seen not exist?” they seem to ask.

Etienne’s œuvre imposes itself because it unites with matter those forces which govern us mysteriously, because they wed the visible and the invisible in a harmony – at bottom most natural – which keeps the passer-by from passing by.


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